À la veille du repos estival, le Conseil d’Etat a pris trois décisions  fortes sur la fiscalisation des Management packages (cf n°428506, 435452, et 437498).

Qu’est ce que le Management Package ?

Le Management Package représente un outil d’intéressement et de rémunération des dirigeants qui a vocation à aligner ou tout du moins rapprocher l’intérêt des dirigeants salariés et ceux des investisseurs. Concrètement, l’entreprise peut recourir à des outils comme des Actions à bons de souscription d’action (ABSA), des contrats d’option d’achat (COA), des attributions d’actions gratuites (AGA), des bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE)…. qui représentent autant de moyens pour les dirigeants salariés de souscrire à une partie du capital social à prix réduit et de réaliser des plus-values intéressantes lors de la revente de la société ou de la sortie du salarié (généralement après une période minimum de détention).

Les Management Packages sont utilisés dans différentes situations et notamment dans les opérations de LBO (le leverage buy out est une opération de rachat de société financée par une dette financière qui est ensuite remboursée grâce aux bénéfices dégagés par la société achetée) . Il n’est pas rare que les cadres principaux de la société rachetée bénéficient d’un Management Package au moment de l’opération pour les motiver dans le nouveau projet d’entreprise.

Les décisions du Conseil d’État

Mais revenons à notre Conseil d’Etat : jusqu’à ses décisions du 13 juillet 2021, la règle fiscale, non définie dans les textes, appliquée sur les dénouements de ces opérations était de considérer les plus-values réalisées comme des plus-values mobilières, imposées suivant les règles applicables aux plus-values mobilières, soit depuis 2018, le Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU : soit un taux fixe de 30% incluant les prélèvements sociaux et l’impôt sur le revenu). Cette règle fiscale était considérée comme applicable lorsque les trois conditions suivantes étaient réunies : une valorisation des instruments à un prix de marché, la réalisation d’un véritable investissement par le bénéficiaire et l’existence d’un risque réel de perte.

Dans ces trois décisions, le Conseil d’Etat considère que :

  • Les octrois de ces instruments réalisés à prix préférentiels devraient être imposables en traitements et salaires au titre de l’année d’achat ou de souscription du bon ou de l’option. La valeur imposable à retenir correspond alors à la différence de valeur entre le prix préférentiel et la valeur réelle à la date de souscription ou d’achat, s’il s’avère que ce prix préférentiel est lié à la condition de salarié.
  • Les plus-values réalisées au dénouement c’est à dire à l’exercice de l’option ou à la souscription doivent être considérées comme des éléments de salaire et donc imposées au barème progressif de l’impôt sur le revenu (et non pas dans la catégorie des plus-values mobilières).
  • Et enfin les plus-values réalisées lors de la cession de ces bons ou options s’ils n’ont pas été exercés, doivent également être considérées comme des éléments de salaire.

La raison avancée par le Conseil d’Etat étant que ces instruments ont été acquis « en contrepartie ou à l’occasion du travail de leur attributaire à des conditions préférentielles » et doivent donc s’apparenter comme une politique de rémunération salariale et non pas comme des gains liés à une activité actionnariale. Dans son arrêt, le Conseil d’Etat part en effet du principe que la souscription des bons ou des options « ne constitue que le ticket d’entrée dans un pur système de bonus jusqu’à la cession ». On peut s’étonner de cette lecture, car les salariés concernés sont amenés à investir dans ces bons ou options et peuvent donc également subir un risque de perte, tout comme n’importe quel investisseur.

Il est cependant intéressant de noter que ces trois décisions ne concernaient que des cessions de bons de souscription d’actions (BSA) et une cession d’actions acquises suite à l’exécution d’une option d’achat d’actions (COA), c’est-à-dire des instruments qui ne confèrent pas la qualité d’actionnaire à son porteur tant qu’il n’a pas exercé son droit de souscription (ou d’option). Le sort des attributions d’actions gratuites distribuées à des salariés n’a quant à lui pas été examiné lors de ces arrêts de juillet 2021 et celles-ci restent, à ce jour, considérées non pas comme des salaires mais bien comme une plus-value mobilière alors même que ces actions n’ont pas donné lieu à un investissement initial de la part des managers concernés.

Des impacts dans les contrôles fiscaux en cours et à venir ?

Cette prise de position du Conseil d’Etat pourrait avoir un impact rapide dans les contrôles fiscaux en cours et à venir et il n’est pas à exclure que de nombreux contentieux puisse naître dans les mois et années à venir. De nombreuses questions subsidiaires vont en effet se poser par la suite, comme le cas d’anciens salariés qui peuvent avoir quitté la société mais gardé ces options ou bons de souscription : quelle fiscalité devrait leur être appliquée à l’exercice alors même qu’ils ne seront plus salariés ? ou encore, outre la fiscalité des revenus, la question d’éventuelles cotisations sociales liées à ces gains désormais considérés comme des salaires (cf. Cour de cassation, 2ème chambre civile, 4 avril 2019, Groupe Lucien Barrière).